Pierre Branda : “Il faudra à ce moment-là incarner le recours.”

Nous publions l’entretien* que Pierre Branda a accordé aux responsables de la délégation Provence-Corse-Côte d’Azur de France Bonapartiste. L’éminent historien napoléonien y fait part de sa vision du bonapartisme et, comme le prince Joachim Murat, apporte son soutien à France Bonapartiste et au travail réalisé, pour la cause, jusqu’à aujourd’hui. 

Quelles sont vos convictions concernant la légitimité de France Bonapartiste dans le paysage politique actuel ?

Pierre Branda : Depuis toujours le courant Bonapartiste m’est proche. Mais au-delà de ma sympathie personnelle, les idées de grandeur, d’ordre mais aussi de progrès en tous domaines me paraissent répondre aux aspirations du peuple français.

L’ordre sans le mouvement est frustrant. Le mouvement sans ordre est destructeur.

En leurs temps, Napoleon 1er, comme Napoleon III avaient parfaitement su concilier ces deux exigences. À leur suite, le Général De Gaulle avait rendu à la France son honneur, et lui avait redonné un avenir. Le Bonapartisme ne doit donc pas disparaître en tant que courant politique car il s’inscrit finalement dans la longue durée. Les idéaux qu’il porte restent adaptés à notre temps.

Je suis reconnaissant à David Saforcada ainsi qu’à Thierry Choffat, d’avoir ranimé puis aujourd’hui d’entretenir la flamme de France Bonapartiste. Je pense que le mouvement doit gagner en influence et que ses ambitions sont parfaitement légitimes. Le Bonapartisme n’est pas seulement un passé, une nostalgie voire un culte mais doit aussi incarner l’avenir.

 

Comment envisagez-vous de manière concrète le développement et l’avenir de France Bonapartiste ?

Depuis longtemps je suis frappé par la grande proximité de vues existant entre de nombreux acteurs des milieux politiques, associatifs, journalistiques ou historiques avec les idées bonapartistes. Seulement il n’existe aucune cohésion, aucun liant, qui permettrait d’aller plus loin.

Au fond, chacun de son côté pense Bonapartiste mais l’ignore !

Il faut fédérer l’ensemble de ces forces éparses, qui réunies, pourrait jouer ce rôle à l’occasion par exemple d’un congrès fondateur, avec le soutien d’une ou plusieurs personnalités politiques de premier plan qui partagent nos idées. Lors de ce grand rassemblement, intellectuels, journalistes et élus pourraient ainsi redonner l’élan au Bonapartisme, et surtout l’inscrire davantage dans le combat politique actuel, une sorte de refondation en quelque sorte, avant de se lancer à la conquête du pouvoir.

En politique, gagner la bataille des idées est fondamental, avant même toute action. Bien sûr, cela ne se fera pas en un jour. Rassembler n’est pas chose aisée, mais c’est un travail indispensable si l’on veut créer un mouvement qui veut et doit faire entendre sa voix.

 

Que pensez-vous du contexte sociétal et politique que les français vivent à l’heure actuelle ?

Tel un bateau ivre, la France risque de se briser sur l’écueil de la division politique, comme sociétal.

Depuis les dernières vagues d’immigration, un communautarisme notamment religieux, fracture la France avec les conséquences que l’on connaît.

Notre pays est sur le point de changer de visage. Le bouleversement est profond, sans doute ne l’a t’il jamais été à ce point. Il n’épargne rien. Les institutions, piliers essentiels de notre vie commune, se délitent comme rongées de l’intérieur. Notre quotidien est rythmé par les terroristes. Pour beaucoup de jeunes, l’avenir est prometteur hors de nos frontières. Aussi, ceux qui cultivent une « certaine idée de la France » à l’instar du général de Gaulle ne reconnaissent plus ou si peu leur patrie. D’où finalement un sentiment de déracinement comme si nous avions l’impression de devenir des étrangers sur nos propres terres.

Autour de nous, les repères disparaissent comme emportés par un souffle venu d’ailleurs. Prenons seulement l’enseignement de l’histoire. On dirait que l’on s’acharne à détruire ce qui faisait notre ciment commun, notre fierté commune. Comme un processus d’autodestruction.

Aussi, dans cette France inquiète, déboussolée, chavirée, bousculée, on ne peut à terme exclure à « le chaos ». La division a déjà failli entraîner notre perte. On songe à la défaite de 1940 mais aussi au délitement de 1799. Des hommes d’exception nous ont alors sorti de l’ornière et ont même rendu la France plus forte qu’elle ne l’était auparavant. En définitive, le chaos favorisa la renaissance comme s’il fallait tout renverser pour mieux reconstruire.

Mais aujourd’hui, un héros français peut-il encore apparaître ? Attendre un sauveur peut être en vain est hautement risqué. Je pense que si la chose n’est pas impossible, l’important n’est pas là. Au-delà de leurs personnes, les deux Napoléon comme De Gaulle nous ont avant tout prouvé que désunis nous n’étions plus rien et qu’unis nous étions capables d’accomplir des « miracles ». Au fond puisque le problème est en nous, la solution l’est aussi. C’est pourquoi en fin de compte je ne suis pas pessimiste.

La France ne se meurt que parce que nous le voulons ou le laissons faire. Etre bonapartiste, c’est je pense, refuser la fatalité et croire en nos chances alors même que le naufrage paraît imminent. N’en resteraient-ils que quelques uns, nous devrons être ceux-là. D’autres suivront, c’est une certitude.

Pour triompher des périls, il faudra alors restaurer l’autorité, tout en ouvrant des perspectives. Alors, presque naturellement, nos concitoyens se rapprocheront des idéaux défendus par les deux Empereurs. Il faudra à ce moment-là incarner le recours.

 

*entretien réalisé par Pascale Leca