Corse, l’élection de la Confusion

Par le général (2S) Michel Franceschi

Théâtralement mise en scène, l’élection territoriale corse a provoqué un emballement médiatique débridé occultant l’essentiel, la passion idéologique l’emportant sur la raison. Le soufflé retombé, l’analyse à froid de l’événement, à la lumière impitoyable des chiffres officiels incurablement têtus, conduit à la conclusion que c’est la confusion à tous les niveaux qui sort gagnante de l’épreuve. Confusion dans l’enjeu. Confusion dans les résultats. Confusion quant à la suite à donner.

Confusion dans l’enjeu. Le scrutin était en vérité un piège que se sont gardés de dénoncer les politologues, allez savoir pourquoi. En fait, on ne demandait rien de moins aux Insulaires que de se renier. On les appelait aux urnes pour l’installation d’une collectivité unique qu’ils avaient retoquée lors de leur référendum de 2003. Il eût fallu d’abord les consulter pour s’assurer de leur changement d’avis éventuel. Dans une authentique démocratie, seul le peuple souverain peut défaire ce qu’il a fait. Un soupçon d’entourloupe électorale a substantiellement contribué à une abstention sans précédent de 47,37% et un record de 3,26% de bulletins blancs, soit une majorité de 50,63%. Ce qui signifie qu’un Insulaire sur deux n’a pas mordu à l’hameçon, Cette impressionnante désaffection met en cause la valeur même du scrutin.

Confusion dans les résultats. L’indéniable progression des Séparatistes doit être sérieusement relativisée. Ils ont vaincu sans péril face à une opposition léthargique, victime de ses divisions et de la désertion de ses caciques. Leur score élevé de 56,46% des votants ne doit toutefois pas faire illusion, car il ne représente en réalité que 26,18% des Insulaires, soit un sur quatre. C’est très loin de correspondre au triomphe proclamé, devant lequel le gouvernement n’aurait plus qu’à s’incliner.

Confusion sur la suite à donner. Elle procède de la confusion sur la nature du scrutin. Les Séparatistes lui donnent la signification d’une autodétermination, alors que l’objet n’était que le choix des dirigeants de la nouvelle collectivité unique. Spéculant sur leur expérience de quatre décennies de laxisme gouvernemental, ils ont présenté dès la clôture du vote l’addition de leurs revendications institutionnelles. Ils font fi de l’objet du scrutin qui ne consistait nullement à leur donner mandat de « négocier » avec le « pays ami » l’émancipation de la Corse. D’autant moins que, comme nous venons de le voir, les résultats sont très loin de leur accorder l’onction populaire indispensable en la matière.

Fort de cette réalité, le gouvernement, garant de l’unité nationale, ne doit surtout pas obtempérer à leurs prétentions exorbitantes et de surcroît anticonstitutionnelles. Le Droit et le devoir lui commandent de résister au chantage à la violence dont la menace est déjà brandie.
En cas de durcissement de la situation, le gouvernement ne doit pas se priver de l’arme suprême d’un nouveau référendum insulaire que, notons-le au passage, les Séparatistes ne se hasardent pas à réclamer, contrairement à leurs amis affichés Catalans, Ecossais et Calédoniens. La jurisprudence de 2003 autorise la procédure.
Cette sorte de jugement de Dieu des temps modernes, constituerait une clarification radicale de la question, en même temps que la sortie par le haut de la lancinante crise corse.

Alors la messe serait dite.