L’école obligatoire à partir de 3 ans …

A l’occasion des Assises de la Maternelle organisées le 27 mars, le président de la République a annoncé que l’école serait désormais obligatoire à partir de 3 ans. Jusqu’à présent, la scolarité ne l’était qu’à 6 ans, moment où les enfants entraient au Cours Préparatoire.

A priori, on ne peut que se féliciter d’une telle mesure qui va dans le sens de la socialisation. Toutes les mesures qui vont en direction d’une meilleure instruction publique ne peuvent qu’être encouragées. Néanmoins, on doit s’interroger sur une telle déclaration.

En réalité, comme souvent dans la vie politique, les dirigeants sortent de belles annonces de principe sans que la concrétisation n’aboutisse. Pire, certaines déclarations publiques ne sont que des « brassages de vent » sans que l’on songe à leur application. C’est un peu le cas ici. Demander que la scolarité soit obligatoire à 3 ans pose plusieurs problèmes, sur la réalité actuelle, sur l’encadrement et sur la pérennité des modes et des financements des gardes par des assistantes maternelles.

Tout d’abord, on ne peut que s’étonner d’une telle révélation publique, qui a trouvé des échos dans tous les médias. Il se trouve qu’en 2018, 97% des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés. Alors, pourquoi un tel remue-ménage pour moins de 3% des élèves concernés. Certes, arriver à 100% serait encore plus efficace, mais globalement, pour la plupart des enfants qui ne vont pas en maternelle, les explications existent : fatigue, difficultés d’adaptation, volonté des parents de garder leur progéniture avec eux… Beaucoup de petits ne vont d’ailleurs pas à l’école l’après-midi afin de pouvoir mieux se reposer à domicile.

Au lieu de proclamer une scolarité obligatoire qui, une fois de plus, ne change pas grand-chose à la réalité, ne vaudrait-il pas mieux assurer un meilleur encadrement ? Actuellement, les classes de petites sections comptent 23 élèves contre 14 en moyenne dans les pays de l’OCDE. A l’heure où l’on ferme des classes voire des écoles entières dans les zones rurales, où on ne jure que par les regroupements scolaires, ne faudrait-il pas justement abaisser les seuils et assurer une scolarité dès le plus jeune âge au plus près du domicile, sans transport, en assurant une proximité saine pour les enfants. Si l’on veut permettre une meilleure instruction il faut s’en donner les moyens, des moyens humains, matériels et financiers. C’est sans doute plus important que d’annoncer une mesure qui, dans les faits, ne modifiera rien. Il faut bien admettre que la maternelle doit être vue comme une école à part entière avec un rôle essentiel dans la socialisation, dans la construction de la personnalité et dans la mise en place des prérequis scolaires. Cela ne nécessite pas forcément une approche « bureaucratique » de l’apprentissage et les années de maternelles doivent être adaptées au public concerné. Intégrer l’école à partir de 3 ans permet de mieux développer son langage, son vocabulaire, ses relations avec les autres. La petite section n’est pas une simple classe enfantine, destinée à garder les enfants, à les faire jouer. Il s’agit bien d’un lieu d’apprentissage qu’il faut donc encourager.

En filigrane de cette « réforme » se posera assez vite la question des méthodes de garde d’enfants. Jusqu’à présent, les parents bénéficiaient d’aides financières pour faire garder leurs enfants dans la journée (PAJE, prise en charge des cotisations patronales…). Ce soutien pouvait intervenir jusqu’à l’âge de 6 ans… moment où la scolarité devenait obligatoire. Et demain ? Si la scolarité l’est à partir de 3 ans, l’Etat n’aura-t-il pas envie de n’accorder ces aides que jusqu’à 3 ans ? Pourtant, un enfant de 3 à 6 ans (et même après d’ailleurs), malgré sa présence à l’école, a souvent encore besoin d’une assistante maternelle pendant que ses parents travaillent : avant 8h30, durant la pause méridienne, après 16h30… On risque à terme de voir naître des difficultés. Des parents qui auront du mal de payer leur Nounou, le développement du travail au noir afin de ne pas déclarer les salaires, petites débrouilles, enfants de 3 ans qui resteront seuls afin d’éviter des frais supplémentaires…

Alors, au-delà d’une annonce qui pourrait paraître séduisante, il faut se poser les bonnes questions et évoquer les difficultés qui pourraient survenir. Les Français penseront vite que l’Etat fait ici des efforts considérables alors que 97% des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés. Qu’au contraire, le ministère de l’Education Nationale se préoccupe de l’accueil des élèves, du personnel d’encadrement ; que la Caisse d’allocations familiales se pose la question de la pérennité des aides liées à la garde d’enfants…

Si tout doit être fait pour l’instruction publique, les reformes doivent être concrètes et efficaces et non basées sur des paroles ou des annonces médiatiques.

Thierry Choffat