La Police de Sécurité du Quotidien

Le Ministre de l’Intérieur a lancé officiellement le 08 février : la Police de Sécurité du quotidien (PSQ). Notons que d’entrée le Président, le 1er Ministre, le Gouvernement en général, pour ceux qui ont été autorisé à parler, et le Ministre de l’Intérieur en particulier, ont dit qu’il ne s’agissait pas là d’un retour à la Police de Proximité, mise en place par Jean-Pierre Chevènement, comme s’il s’agissait là d’une tare.

Le Ministre et ses conseillers ont tiré des conclusions, pour mettre en place cette PSQ. Ces mêmes conclusions qu’ont tirées depuis fort longtemps les agents de terrain mais aussi les syndicats, et surtout la population. A savoir que si les Forces de l’Ordre se doivent d’être réactives, elles doivent aussi être présentes et vues sur le terrain, tous les jours, et toutes les nuits. Il ne faudrait donc pas que cette PSQ ne soit qu’une nouvelle épithète donnée à la Police, comme cela a été fait depuis trop d’années, où on se contentait de la baptiser différemment, de déshabiller Paul pour habiller (encore moins bien) Jacques, avec des résultats ne soient pas au rendez-vous.

La politique du chiffre est malheureusement l’axe principal des études dans la mesure où l’on demande aux fonctionnaires toujours plus de verbalisations, où les radars – impôts se multiplient, et où la culture de la police n’est remplacée que par la culture de la petite barre supplémentaire. Mais à ce jeu-là, celui du profit, l’Etat se comporte comme un actionnaire : il en demande toujours plus, n’en ayant jamais assez. S’ensuit in fine une pression supplémentaire et non consentie sur les fonctionnaires.

Cela démontre une nouvelle fois, s’il en était besoin, que notre Présidence et sa gouvernance n’ont pas de vision de la France en général, et d’une vision politique pour celle-ci en particulier. Le Président Macron, qui désire une révolution pour la Nation, ce qui diffère d’une révolution nationale, ne révolutionne rien, et ne réforme que par des choses qui n’ont pas de rapport entres elles. En la matière, une réforme de la Police ne peut être efficiente que si elle s’accompagne, dans le même temps, d’une réforme de la justice et d’une réforme des territoires.

Depuis trop longtemps, s’est installée une justice, non pas à deux vitesses, mais à trois vitesses. La justice des nantis, ceux qui ont les moyens de prendre avocats et des avocats des plus chers, alias ceux qui ont les moyens d’attaquer. La justice des quidams, c’est-à-dire vous et moi, ceux qui ont une adresse sociale, une adresse postale, une adresse fiscale, qu’on retrouvera toujours, et sur lesquels s’abattra verbalisations au code de la route, retenues sur salaire, et qui malgré tout n’auront pas obligatoirement les moyens de se payer un avocat. Et puis la justice des sauvageons, ceux qui n’existent nulle part, mais que l’on voit partout, et ne subirons rien, protégez qu’ils sont par la surpopulation carcérale, les lois Dati et Taubira, d’où total sentiment d’impunité.

Il faut aujourd’hui à l’infraction, au délit, au crime, une véritable sanction, que ne peut satisfaire la contraventionnalisation du premier, et la transformation du second en premier, comme on le voit avec la verbalisation de la consommation du cannabis. (Il ne s’agit là que d’un premier pas vers une dépénalisation….).

Les fonctionnaires le disent eux-mêmes : ils n’ont pas les moyens juridiques d’agir, et la réponse juridique est toujours en deçà de l’attente. On ne compte pas les procédures cassées par le Parquet, classées, ou si le délinquant est poursuivi sa libération sous contrôle judiciaire. Vu les délais d’attente, il a le temps de réitérer avant le jugement, de jouer les fanfarons dans le quartier, dans la ville, quand ce n’est pas devant les fonctionnaires à peine sorti de l’hôtel de police, ou plus tard. Sortie immédiate + délai d’attente pouvant se compter en années + requalification de l’infraction, du délit, ou du crime + Loi Dati et Taubira derrière = total sentiment d’impunité encore une fois.

La réponse n’est pas immédiate et en plus elle n’est en rien dissuasive quand elle est réalisée au vue de la surcharge de travail qui concerne aussi les juges d’applications des peines. Le délinquant n’a donc plus « la peur du gendarme », de la Police, ou du tribunal. La prison, pour ceux qui y vont, est présentée par eux, comme un trophée, une labellisation par une initiation, comme un passage obligé, afin d’être reconnu dans le quartier.

Hélas, tous ces constats dressés par autant de rapports, aussi classés, ne valent rien s’ils ne sont pas suivis d’actes.

Les véritables réformes qui doivent menées doivent être à la fois visibles, cohérentes et efficaces. Dans un premier temps il faut remettre du bleu sur le terrain. Les précédents Présidents nous ont parlé de simplifications administratives, lesquelles visiblement ne sont pas non plus allées jusque dans les commissariats, pas plus que dans les brigades.

Par ailleurs, une vraie réforme passe avant tout par une augmentation des moyens humains, matériels, et financiers, car il faut des moyens pour financer tout cela, et financer une augmentation du traitement de ces fonctionnaires. Il n’est pas normal concevable de nos jours, que ceux astreints à des horaires décalés, à des rappels, mais aussi maintenant aux risques terroristes, soient autant sous-payés sans compter les primes écartées du calcul de leur retraite.

Il était nécessaire de doter les fonctionnaires de nouveaux moyens, et notamment de moyens numériques, comme les tablettes embarquées pour permettre des identifications plus rapides, des caméras embarquées afin de rejeter les plaintes systématiques pour bavures et autres violences, quand ce ne sont pas des viols. Mais tout cela ne sert à rien si une fois rendu au poste, les fonctionnaires doivent faire en 14 exemplaires des rapports sur des machines à écrire, sans plus de ruban. Je pousse la caricature à dessein, mais l’esprit est tellement vrai. Il faut donc aller vers une véritable révolution numérique des forces de l’ordre, afin que celles-ci ne se perdent pas dans les méandres des procès-verbaux interminables, que vont casser les avocats. Ceux-ci ne cherchent plus aujourd’hui à prouver l’innocence de leur client, mais le vice de forme qui va casser la procédure, classer celle-ci et/ou rendre la liberté à leur client.

Depuis les lois Chevènement de 1999, et les lois Sarkozy, les pouvoirs et attributions des Polices Municipales ont fait un bond qualitatif en avant, et il est certaines Polices Municipales qui sont plus formées, au tir notamment, que les Nationaux. Mais il faut aller encore plus loin que ceux-ci soient des acteurs à part entière, du maintien de l’ordre, et non plus des adjoints, et encore moins des auxiliaires, comme la sécurité privée, dont il faut revoir aussi au passage les droits et pouvoirs, ainsi que leur dotation.

Il est donc nécessaire d’aller vers un plus grand partenariat avec les villes, et leur Police. Mais aussi entre Gendarmerie Nationale et Police Nationale. Car si ceux-ci sont aujourd’hui gérés par le même ministère, il existe encore des inégalités, et donc des jalousies. Quoiqu’on en dise, la guerre des polices existe bien toujours. Augmentations des partenariats entres services de Police, augmentation des partenariats Gendarmerie – Police Nationale – Police Municipale – Sécurité privée, et par extension Sécurité Ferroviaire, Sécurité RATP (GSPR) – Douanes, et Surveillant Pénitentiaires, doivent être soit mis en place, soit complètement revu. Mais ils ne doivent pas être uniquement des réunions, entres administratifs ou syndicalistes décalés du terrain, et multiplication de la réunionite. Il faut de l’action et des résultats vite. La colère est sourde.

Bien sûr, tout cela va de pair avec une présence sur le terrain, de jour comme de nuit. Il faut que la population voit les forces de l’ordre. Qu’elle soit rassurée par celles-ci. Que des contacts aient lieu. Que des échanges d’informations se fassent. Et surtout que les sauvageons se méfient, aient peur, et reculent. Il ne doit y avoir en République, aucun territoire qui ne soit pas accessible par les forces de l’ordre. Il n’est pas acceptable que, sous couvert de « pas de provocation », « pas de vague », on donne pour consigne aux forces de l’ordre de ne pas aller patrouiller dans tel ou tel quartier. Ainsi, la nature ayant horreur du vide, l’ordre républicain, et la loi républicaine, est remplacée par l’ordre de l’économie souterraine, et la loi du plus fort.

Il faut avoir une vision volontariste de la sécurité, et non pas une vision administrative de la sécurité. Il faut aller sur la reconquête républicaine (les valeurs, les territoires, la sécurité), plutôt que gérer les abords des territoires perdus de la République, que ce soit les quartiers, ou des territoires comme la Corse. On pourrait appeler cette police, la « nouvelle police » qu’à l’instar de la gauche (parti solférinien), et la « nouvelle gauche », cela ne changerait rien.

D’autant que Sarkozy qui se voulait – avant d’être président – le politique proche des forces de l’Ordre, a été a contrario le politique qui en a réduit le plus leur nombre. Sans compter la modernisation de la fonction publique, la RGPP, qui, non content de supprimer des postes et de ne pas en remplacer, mettait des administratifs en lieu et place de personnels sur le terrain.

Par ce tour de passe-passe, les chiffres étaient à « la baisse tendancielle de la hausse » des fonctionnaires. Euphémisme alors qu’il était en train de tailler à la serpe les chiffres de la Police et de l’armée.

Tout cela n’empêchait pas les délinquants d’agir, et les petits frères à les imiter. Regardons sur un détail qui saute aux yeux de tous : nos jeunes malfrats s’offrent, grâce à l’argent de l’économie souterraine, des Mercedes, des BMW, des Audi, tandis que nos policiers pour patrouiller et entamer des poursuites ont été dotés de… Renault Kango, et dernièrement de Dacia ? Il n’y a que les brigades d’Intervention Rapide sur autoroute qui sont dotaient de Mégane RS.

On continue au niveau du matériel ? On décide, face au danger du terrorisme de doter les fonctionnaires d’un fusil d’assaut. Un et un seul par patrouille. Il faut donc au Brigadier, le matin, prendre la responsabilité de qui va vivre, et qui va mourir, qui va prendre le fusil d’assaut, et qui va rester avec son PA. Et the last but not least, comme disent nos amis anglophones, le gouvernement a trouvé le moyen d’acheter aux allemands, le seul fusil d’assaut nouveau que l’armée allemande avait recalé, car il chauffait trop pendant le tir en rafale, et avait tendance à avoir le canon qui se tordait. Qu’a trouvé à répondre à cela le porte-parole du Ministère de l’Intérieur ? « Oui, nous avons conscience du problème, mais si le fonctionnaire tire au coup par coup, il n’y a plus de souci ». Mais si on les forces de l’Ordre ont a demandé à être équipé de fusil d’assaut, c’est bien pour pouvoir répondre en rafale, et non au coup par coup ! Il devrait donc y avoir un fusil d’assaut en permanence dans la cabine du véhicule de patrouille. Si besoin de réponse immédiate, et un par fonctionnaire dans le coffre en cas de nécessité différée.

La nécessité qui ne peut être différée, c’est donc une refonte de réponse judiciaire immédiate, des moyens humains, matériels, et financiers. L’une ne peut aller sans l’autre.

La nécessité qui ne peut être différée, c’est une réforme globale de la sécurité en France. Face à la menace terroriste, donc de type militaire, face à la guérilla urbaine que mène des bandes dans certains territoires urbains, donc de type militaire. Il serait bon d’avoir une réponse adaptée.

La bien-pensance rétorquera de suite que le rétablissement de l’ordre, par les militaires, a laissé de mauvais souvenirs. Nous ne sommes plus dans les années 60 du siècle précédent. L’armée et les méthodes ont changé.

C’est pourquoi, d’aucuns disent qu’il faudrait réfléchir à une refonte de la sécurité totale. Au vue de la menace terroriste, et de la militarisation de la réponse policière, j’ai lu jusqu’à aller vers le versement total de la Police National dans la Gendarmerie Nationale, puis donner les prérogatives de la PN aux PM, et celles des PM à la sécurité privée, en armant celle-ci, et pourquoi pas créer des polices spécifiques, comme une Police des transports qui globaliserait une police des Autoroutes, une police des routes, une Police des Aéroports, une Police des côtes avec des prérogatives bien spécifiques ? Il y a peut-être là des pistes à explorer. Une chose est certaine, à mon sens, c’est que face à ladite menace, il faut que la réponse soit militaire, et que disparaissent les BRI, RAID, et GIPN, pour ne laisser place qu’à un seul et unique interlocuteur en la matière (et en prise d’otage etc.…) : le GIGN. Dans ce cas, pourquoi ne pas verser l’ensemble des effectifs actuels dans un GIGN surdimensionné ?

Il y a plusieurs pistes à explorer et celle-ci peut en être une. Il en existe d’autres, mais on ne peut pas se laisser aller à des expérimentations aventureuses, ni à des rapports sans lendemains, pas plus qu’à des baptêmes où l’on croirait foncièrement à ce qu’on énonce, sans être pratiquant, et donc que cela ne soit suivi d’aucun résultat.

La seule réforme qui se doit, et la seule réforme qui sera efficace, sera celle qui sera efficiente. Encore faut-il pour cela écouter la voix du peuple, et la voix des professionnelles de terrain.

Alors cette loi dite PSQ, on peut en dire qu’elle va dans le bon sens, mais qu’elle ne va pas assez loin. D’un élève, nous dirions « bien, mais peut mieux faire ».

Grégory Baudouin