La France, pour ne pas renoncer à être elle-même, se doit de promouvoir sa langue, ses artistes. Elle doit résister à l’uniformisation mondiale de la culture faisant que tout ce qui n’est pas anglo-saxon est automatiquement ringard. Défendre le français, notre culture, nos arts, n’est pas un combat d’arrière garde et n’oublions pas que si la France sut rester elle-même au cours de son histoire c’est en partie à sa langue et à son rayonnement culturel qu’elle le doit. N’en déplaise autres chantres de l’abaissement du français, il convient de rappeler sans cesse à nos politiques, à nos diplomates de s’exprimer en français quel que soit le lieu et d’en promouvoir l’usage dans les organisations internationales ainsi que dans le monde économique.
Loin d’être une idéologie passéiste, la Francophonie est un investissement d’avenir, l’un des défis qui pourrait mobiliser bon nombre de Français. Elle est une des conditions du rayonnement de la France dans un monde multipolaire où la guerre économique mais aussi culturelle est devenue omniprésente. La Francophonie diffuse et la Francophonie organisée affirment toutes deux dans la mondialisation une conception de l’Homme et des relations internationales opposée aussi bien à la « globalization » américaine qu’aux replis identitaires. Elles sont refus de la prépondérance du matérialisme et d’un « choc des civilisations », présenté par Huntington comme inéluctable, voire souhaitable. Elles sont « humanisme, respect des civilisations différentes, et dialogue des cultures ». Solidarité privilégiée et exemplaire. Chance de faire vivre la diversité linguistique et culturelle. Réponse à une attente, chance pour le monde et la France. Chance non encore saisie.
L’idée d’une communauté francophone dérange. Non électoralement payante, elle remet en cause une résignation dominante, et suppose que Sisyphe retrouve le courage de hisser son rocher. La France a une attitude somnambulique. L’heure est arrivée pour la France de se retrouver, de se réveiller et de s’ouvrir à la chance qu’elle a de redevenir, avec tous les éléments épars de la « Francosphère », un moteur au service de l’humanisme dans le monde. Il est temps pour elle de concevoir et mettre en œuvre une véritable politique de la Francophonie, communauté fondée sur l’égalité de dignité.
Si la France, d’abord « fille aînée de l’Eglise » puis « mère des révolutions » est une nation fondée beaucoup moins sur une ethnie que sur une langue, une culture et un ensemble multiculturel en commun. Si elle est une sorte de « République universaliste », une conception de l’homme, un message d’humanisme, une « voix dans le monde », une politique étrangère, elle ne peut être impérialiste, ni, à l’inverse, consentir à son absorption dans quelque empire du moment. La France doit se distinguer d’un « Occident » américain et anglo-saxon qui n’est pas le sien, qui la nie et devient pour elle, comme l’Union Européenne, trop étroit, dépassé, et dangereux pour le monde.
Tout se tient : la souveraineté recouvrée permettra une vraie politique du français et de la Francophonie. Et une telle politique conditionnera le plein exercice d’une souveraineté renouvelée, et d’abord de la « fierté de porter un projet d’humanité ». Aucune des deux démarches n’est un préalable au succès de l’autre. Les deux doivent être conduites de concert. La politique française doit « marcher sur ses deux jambes ».