Une réforme de la Justice en marche ?

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Les grandes lignes de la future réforme judiciaire à venir ont été dévoilées et apportent des changements relativement importants dans notre système de justice actuel. Entre modernité et simplification, les évolutions proposées souhaitent s’ancrer dans un monde qui évolue et cherchent donc à s’adapter à la société d’aujourd’hui.

N’entrant pas véritablement dans le détail, nous n’avons ainsi qu’un simple aperçu des futurs chantiers qui seront déployés, mais pouvons d’ores et déjà savoir s’ils vont tous dans le bon sens.

Les dossiers qui ont été présentés sont au nombre de six, représentant ainsi six axes de changements que nous vous proposons d’analyser dans les prochaines lignes de ce dossier.

  1. La simplification de la procédure civile

Dans ce premier « chapitre », il est question de promouvoir le règlement amiable des différends au lieu de se diriger vers un tout judiciaire. Ainsi, il est proposé de « généraliser l’obligation préalable de tentative de règlement amiable pour les litiges de faible incidence financière et pour les conflits de voisinage. »

La justice étant engorgée, les procédures étant de plus en plus longues à cause notamment du nombre grandissant de dossiers que doivent plaider les avocats, et analyser les juges ; favoriser un règlement amiable entre les parties quand cela est possible est selon nous une bonne chose. Par ailleurs il est précisé que « le juge pourra statuer sur des questions de principes […] puis renvoyer les parties vers la médiation ».

Bien évidemment, les formes restent à analyser.

A côté de cela, le projet de loi souhaite étendre la représentation obligatoire par un avocat pour « un certain nombre de contentieux » hors litiges de moins de 10.000 euros. La question qui peut être soulevée est de savoir si les règles, ou du moins les barèmes, seront modifiés quant au bénéfice de l’aide juridictionnelle ?

Les grandes lignes qui suivent concernent (une fois encore) la procédure de divorce. Il est question d’en simplifier ses règles, à tel point que l’on peut se demander si le mariage ne perdrait pas de son sens. Bientôt, l’on va pouvoir se marier le lundi et divorcer le vendredi suivant. Le projet de loi propose de supprimer la phase de conciliation obligatoire, d’unifier la procédure en une seule phase sans audience de conciliation donc et de permettre au demandeur de ne pas donner le fondement de sa demande dès la saisine du juge. A quand une formule « Mariage + Divorce, un pack acheté, un pack offert » ?

Des axes sont par ailleurs donnés sur la protection des majeurs vulnérables où la volonté du gouvernement est d’alléger le contrôle du juge des tutelles qui peuvent s’analyser comme intéressants d’une part, mais inquiétants d’autre part. Par exemple, le projet propose de créer une « dispense de vérification des comptes quand les revenus ou le patrimoine de la personne protégée sont très modiques ». Cet axe peut s’avérer dangereux et néfaste pour la personne protégée.

Concernant les sommes qui peuvent être saisies sur des rémunérations, la proposition de confier la mission de répartition des sommes d’argents entre les différents créanciers non plus aux greffiers mais à la Caisse des dépôts et consignations dont la mission est de gérer des fonds est selon nous une bonne chose dans la mesure où la compétence est mise en avant.

Un grand chamboulement à venir avec ce projet de loi est de créer une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer. Pour mémoire cette procédure est utilisée permet à un créancier d’obtenir une décision de justice enjoignant au débiteur de verser les sommes qui lui sont dues. Elle se déroule sans audience, et n’est qu’un échange de documents entre le créancier, le tribunal, l’huissier de justice et le débiteur. Pour entrer quelque peu dans le détail, le créancier doit adresser par papier une requête d’injonction de payer au tribunal compétent qui délivre le cas échéant une ordonnance d’injonction de payer. Celle-ci est adressée au créancier qui doit la soumettre à un huissier de justice pour signification. D’une durée de validité de six mois (l’ordonnance), une fois signifiée doit être retournée au tribunal pour obtenir un titre exécutoire valable dix ans qui devra à son tour être signifié (et exécuté dans la plupart des cas) par l’huissier de justice à l’encontre du débiteur. Ce n’est qu’à cet instant que l’huissier pourra forcer le débiteur à payer les sommes dues notamment par l’application d’une saisie attribution voire une saisie vente. Cette procédure a l’avantage d’être peu couteuse, mais comme vous pouvez le constater est assez longue et fastidieuse.

Il est ainsi proposé « d’assurer un traitement dématérialisé de ces requêtes » avec la création d’un site internet dès 2019 qui permettra « à tous les justiciables de suivre en ligne l’évolution de leurs dossiers ». A l’ère du dématérialisé et de la cessation d’un usage excessif du papier, on ne peut être que favorable à une telle volonté. Reste bien évidement à suivre les contours et les détails quant à son application.

En outre ce premier chapitre souhaite également expérimenter un règlement plus rapide des litiges portant sur les pensions alimentaires en prenant exemple sur le Québec où un service administratif de rajustement des pensions alimentaires existe déjà et où ce dispositif pour la France ne pourra jouer que pour une réévaluation de la pension et pas pour sa fixation initiale, enfin, le projet souhaite prévoir un mode de saisine unique en matière civile.

  1. L’allègement de la charge des juridictions administratives et le renforcement de l’efficacité de la justice administrative.

Ce deuxième chapitre, d’une seule page, propose de recourir aux magistrats honoraires, de recruter des juristes assistants sur le modèle des juristes assistants pour les juridictions judiciaires, et enfin de renforcer l’effectivité des décisions de justice en renforçant les outils existants.

  1. Simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale

Un chapitre, vous l’aurez compris, extrêmement important dans la mesure la volonté affichée est de rendre la justice pénale plus accessible aux victimes. Pour cela, ces-dernières pourront porter plainte en ligne. Cela découle du premier point que nous avons abordé ci-avant, avec la volonté d’entrer de plain-pied dans le dématérialisé ! Une bonne chose selon nous, dans la mesure où le déplacement obligatoire au commissariat de police ou en brigade de gendarmerie sera écarté. Bien évidemment, il faudra que le formulaire soit clair et que tous les abus soient réprimandés.

Le projet nous annonce également la possibilité (toujours pour les victimes) de « se constituer partie civile à l’audience par voie dématérialisée » sans pour autant en expliquer les contours.

La procédure (c’est-à-dire du dépôt de plainte jusqu’au jugement) sera complètement numérisée. Très bonne chose sur la forme, reste à voir le fond.

Un changement est également à noter concernant les modalités de prolongation de la garde à vue par le procureur à l’issue de la première période de 24 heures qui seront assouplies : « le gardé à vue ne sera présenté au procureur qui si celui-ci l’estime nécessaire ».

Une bonne chose également : la possibilité pour les enquêteurs d’utiliser des techniques de sonorisation de lieux ou la captation de données informatiques par exemple, non plus limitées aux infractions relevant de la criminalité organisée mais pour l’ensemble des crimes.

Le projet de loi entend « apporter une réponse plus efficace aux délits du quotidien ». Concrètement et en matière de composition pénale1 « il ne sera plus nécessaire de demander une validation à un juge s’il s’agit d’un délit puni d’au plus de trois ans d’emprisonnement et lorsqu’une amende de moins de 3.000 euros est proposée ». Le délai de trois ans devient donc un nouveau palier.

Enfin, et nous conclurons ce troisième chapitre par l’annonce la plus retentissante : la création pour expérimentation d’un nouveau tribunal nommé : tribunal criminel départemental. L’idée annoncée est le fait que certains crimes – comme le viol – se « correctionnalisent ». Concrètement par manque de temps, les faits sont requalifiés en délits pour être jugés plus rapidement par les tribunaux correctionnels. Néanmoins la peine prononcée est bien inférieure à ce qu’elle devrait être. Le tribunal criminel départemental sera compétent pour juger les crimes punis de 15 à 20 ans d’emprisonnement. Il se situerait donc entre le tribunal correctionnel (compétent pour juger les délits) et la Cour d’assises (compétente pour juger les crimes) mais empièterait un peu sur la dernière. Cependant, au lieu de créer un nouveau tribunal, ne faut-il pas donner plus de moyens aux Cour d’assises afin de réduire le délai des affaires ? Par ailleurs, il n’est pas question de parler de jurés populaires qui resterait uniquement l’apanage de la Cour d’assises. Ce nouveau palier pour certains crimes n’est pas véritablement nécessaire car la question que l’on peut se poser est de savoir si la création d’un nouveau tribunal ne reviendrait finalement pas plus cher que si l’on renforçait les existants…

  1. Efficacité et sens de la peine

Nous entrons à présent dans un chapitre qui nous tient à cœur, et dont notre projet sur la Justice apporte de nombreuses solutions. Le projet de loi nous informe instaurer une nouvelle échelle des peines qui sont les suivantes :

  • « En dessous d’un mois, les peines d’emprisonnement sont interdites. » Solution qui peut être en effet judicieuse quand on voit à quel point nos prisons sont actuellement surchargées. Cependant une alternative réelle à l’emprisonnement devra être impérativement trouvée, il est inenvisageable de ne pas appliquer de sanctions,
  • « Entre un et six mois, la peine s’exécute par principe en dehors d’un établissement de détention sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique […]»,
  • « Entre six mois et un an, le juge pourra prononcer une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique ou une peine d’emprisonnement ». Pour les points 2 et 3 nous pensons que la condamnation à de la prison ferme ne doit – en effet – pas être la seule alternative face aux comportements interdits, notamment concernant les moins graves. Cependant, il existe des mesures que l’on peut appliquer, par exemple : les peines citoyennes ou les sanctions visant le patrimoine des délinquants,
  • « Au-delà d’un an, les peines d’emprisonnement seront exécutées sans aménagement ». Avec France Bonapartiste nous souhaitons aller au-delà d’une exécution sans aménagement de la peine : nous souhaitons en effet que toute peine prononcée aille d’une part jusqu’à son échéance pleine et entière, mais d’autre part qu’il n’y ait plus aucune prescription pour les crimes dits « de sang », les viols et les actes pédophiles.

Le projet de loi souhaite également développer les travaux d’intérêt général ce qui fait également partie de notre projet avec un développement des moyens de préventions.

En revanche, nous sommes en totale opposition avec la proposition de « systématiser la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine ». Celle-ci suit les recommandations des lois Dati et Taubira sur l’aménagement de la peine, qui doit être purement et simplement supprimée.

Il en est de même avec cette volonté de « simplifier les permissions de sortie ». La condamnation à une peine de prison est la conséquence de la réalisation de manière tout à fait claire et volontaire d’un individu de s’opposer à la loi française par la réalisation d’un acte qu’il sait interdit. Il n’est donc pas question de remettre en cause la sentence prononcée par le juge, qui après plusieurs heures, voire plusieurs jours d’audience, a décidé du « prix à payer » pour une « réparation » du préjudice. Comme évoqué ci-avant : toute peine doit aller à son terme, sans aménagement aucun. La condamnation ayant été prononcée n’est-elle pas, selon le juge, proportionnelle au préjudice subi par la victime ? Tant et si bien, ne faire qu’une partie de cette condamnation ne reviendrait-il pas à déstabiliser cet équilibre ?

  1. Diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants

Présenté dans un seul feuillet, il est question ici de « préparer la sortie des mineurs des centres éducatifs fermés » par l’organisation d’un accueil temporaire ailleurs que dans des centres éducatifs fermés, et l’expérimentation « d’une nouvelle mesure éducative de jour ».

  1. Renforcement de l’efficacité de l’organisation judiciaire et adaptation du fonctionnement des juridictions

Dernier point de la réforme mais pas des moindres, puisque le chamboulement vient que le projet de loi prévoit la fusion du tribunal de grande instance (TGI) et du tribunal d’instance (TI). La simplification est toujours à l’ordre du jour qui permettra au justiciable de ne plus se demander s’il doit saisir l’un ou l’autre suivant l’affaire qu’il souhaite porter.

Enfin, il est également question « d’expérimenter une nouvelle organisation des cours d’appel » sans pour autant en expliquer les formes !

 

Conclusion : Réformer la Justice c’est aussi répondre de manière adaptée aux maux de la société contemporaine. Le projet de loi qui a été présenté, et que nous avons analysé, va-t-il dans le bon sens ? Oui pour une partie, non pour une autre.

Oui pour favoriser les phases amiables quand cela est possible, oui pour une simplification et une dématérialisation de certaines procédures (encore faudra-t-il en analyser les tenants et les aboutissants), oui en un rapprochement de la justice au bénéfice du justiciable, oui en une justice plus rapide (qui ne veut pas dire expéditive), oui au renforcement des moyens d’enquête, oui au développement des solutions alternatives à l’emprisonnement notamment contre les actes les moins graves.

Mais non à la déculpabilisation du délinquant, non à l’isolement et au mépris des victimes, non à la dénaturalisation des liens unissant les personnes, non aux aménagements de peines, et non à la création de nouveaux tribunaux sans donner les moyens aux existants.

Par ailleurs, aucune solution n’est proposée en matière de criminalité étrangère visant à imposer une expulsion de ces délinquants hors du territoire national. La France est une terre d’accueil vis-à-vis des populations fuyant un pays en guerre. Bien que la Nation ne puisse accueillir « toute la misère du monde » il est impératif de considérer que l’accueil doit avoir comme contrepartie l’attachement aux valeurs de la République et au respect de ses règles.

Ainsi, ce projet de loi doit aller plus loin. Pour redresser un pays, il faut rétablir cet équilibre symbolisé par une justice implacable mais également respectueuse envers les citoyens. Son rôle est de prévenir afin d’éviter les actes interdits, et doit savoir se faire respecter de tous, en cas d’infractions et de manquement au respect de ses règles. Si l’on devrait adapter une célèbre formule de Napoléon Bonaparte à la Justice, cela pourrait être : « Rendre la Justice chère aux citoyens, respectable aux étrangers, formidable aux ennemis ».

 

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Christopher DESTAILLEURS
Responsable du projet sur la Justice de France Bonapartiste

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1 La composition pénale est une procédure qui permet au procureur de proposer une sanction (amende, retrait de permis…) à une personne mineure ou majeure ayant commis certaines infractions. Elle permet d’éviter un procès.