Réforme du Code du travail : en marche vers le libéralisme ?

Après avoir essuyé une Loi Travail dite « El Khomri » ayant mise à mal les droits des salariés l’an dernier, une refonte totale du Code du travail a été opérée durant l’été par le nouveau gouvernement du nouveau président de la République. Les craintes quant à son ultralibéralisme étaient grandes, tout en sachant qu’Emmanuel Macron était dans l’ombre, si ce n’est dans la pénombre, de la précédente loi mise en application sous le visa de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Vème République.

Les ordonnances ayant été dévoilées hier (31 août 2017), nous sommes donc en mesure de prendre toute la mesure de ces nouvelles règlementations, qui seront adoptées lors du Conseil des ministres du 22 septembre prochain.

Comme évoqué lors de notre dernier article sur le sujet, et même si les syndicats ont été consultés à maintes reprises, les besoins des entreprises se heurtent bien trop souvent aux attentes des salariés et la gymnastique à mettre en œuvre afin de satisfaire toutes les parties est loin d’être évidente, voire même utopique.

Incontestablement, la balance penchera soit d’un côté soit de l’autre… Qui bénéficiera des avantages et qui en subira les inconvénients ?

En procédant aux premières analyses des textes présentés, nous sommes en mesure de vous apporter nos premiers ressentis.

Un véritable droit au télétravail ?

La révolution du Code du travail est en marche avec l’aspect sur le télétravail.

Bien que ça ne soit pas la mesure la plus attendue, commençons par les bonnes nouvelles, d’autant plus appréciables quand elles sont rares…

Jusqu’alors, les dispositions ne prévoyaient pas grand-chose sur cette manière de travailler autrement. Le gouvernement a profité de cette refonte législative pour véritablement cadré cet aspect sous une base légale et solide, qui concerne actuellement 17 % des salariés (et en intéresse bien d’autres).

Les ordonnances apportent véritablement deux grands changements :

  • Le télétravail sera une modalité de droit commun, c’est-à-dire que ça ne sera plus au salarié de demander à l’employeur de travailler depuis chez lui, mais au contraire à l’employeur de démontrer que cela n’est pas possible ;
  • Lorsqu’un accident interviendra durant les heures de travail (chez le télétravailleur), il y aura automatiquement une présomption d’accident du travail.

Le télétravail est donc clarifié, et les avantages sont clairement orientés vers le salarié.

Cependant, et c’est une chose importante à noter, cette notion véritable de télétravail et de télétravailleur ne passera qu’avec le développement et l’aménagement réel du numérique sur tous les territoires de la République, et ce n’est pourtant pas une mince affaire. Rappelons que le président de la République souhaite une totale couverture internet à l’approche 2020, mais sans pour autant en détailler les principes.

Plafonnement des indemnités prud’homales

La casse des droits pour les salariés, grandement opérée par la précédente Loi Travail avait instauré un barème sur les indemnités prud’homales mais seulement à titre indicatif. Désormais, le raisonnement arrive au bout de sa pensée : le barème des indemnités en cas de licenciement abusif voire sans cause réelle et sérieuse s’appliquera et s’imposera. Les employeurs pourront désormais peser le pour et le contre afin de choisir de se débarrasser d’un de ses salariés, même de manière peu conventionnelle.

Concrètement, cette barémisation s’appliquera différemment pour les T.P.E. (employant moins de 11 salariés) et les autres :

  • Pour les premières, il faut noter que nous ne parlons que d’indemnités minimales qui seront de 0,5 mois de salaire brut pour chaque tranche de deux ans d’ancienneté jusqu’à dix ans pour arriver à 2,5 mois de salaire brut minimum ;
  • Pour les secondes, il faut noter la présence d’indemnités minimales (qui seront de 3 mois de salaire brut à compter de deux ans d’ancienneté jusqu’à trente ans et plus, et seulement de 1 mois pour un an d’ancienneté). Les indemnités maximales, elles, seront de 1 mois de salaire brut par an jusqu’à dix ans d’ancienneté et passeront à 0,5 mois de salaire brut par an à partir de la onzième année d’ancienneté pour arriver à un maximum de 20 mois de salaire brut à partir de la vingt-neuvième année d’ancienneté.
Nous mettons à disposition en annexe 1, les deux tableaux de répartition.

A titre d’exemple, un salarié ayant trente ans d’ancienneté avec un salaire de 1.500 euros brut mensuel, ne pourra se voir accordé lors d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif, qu’une indemnité maximale de 30.000 euros.

Il convient de préciser que ces barèmes ne s’appliqueront pas pour les causes suivantes de licenciement : discrimination, harcèlement ou portant atteinte aux libertés fondamentales du salarié. Dès lors, le juge pourra décider librement de la sanction.

Ce barème est censé donner plus de prévisibilité aux employeurs.

Par ailleurs, le délai pour contester un licenciement devant le Conseil des prud’hommes passera de deux ans à un an. Chose positive (tout de même mais insuffisante) les vices de forme ne pourront plus être invoqués pour invalider une procédure. En effet, un formulaire CERFA sera créé, et un récapitulatif de l’ensemble des obligations à remplir dans le cadre de la procédure sera transmis.

En revanche, les indemnités légales de licenciement, elles, augmentent. En effet, elles correspondront à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté (contre un cinquième aujourd’hui).

Niveau national pour apprécier les difficultés économiques d’une société

La pilule va passer difficilement. Il était le sujet de tant de discordes et la crainte a donc été confirmée. Le chapitre 1 du Titre II de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail vient définir le périmètre d’appréciation de la cause économique.

Ainsi, à la lecture du futur nouvel alinéa 11 de l’article L.1233-3 du Code du travail, nous apprenons que « les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sein et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ».

Ce sont les grands groupes internationaux qui vont pouvoir sabrer le champagne. En effet, et sans mauvais égards à leur attention, leur bénéfice est grand d’autant plus qu’il s’agit d’une demande de longue date pour ces sociétés.

Ainsi, il n’est pas faux de penser, qu’un grand groupe ayant des implantations dans différents pays, et disposant d’une économie florissante, pourra volontairement faire que dans un pays donné la société sombrera financièrement et pourra procéder sans scrupule imposer des licenciements pour motif économique… Bien évidemment le garde-fou sera le juge, qui interviendra lors de tout écart de conduite, reste à définir le curseur entre bonne-foi et mauvaise-foi…

La définition du C.D.D. en danger

Le titre de ce paragraphe peut inquiéter et pour cause. En France, la hiérarchie des normes est implacable : une loi est supérieure à un accord de branche qui lui-même est supérieur à un accord d’entreprise. Les ordonnances dévoilées viennent quelque peu inverser, ou tout du moins, troubler cette harmonie.

Le chapitre 2 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail en son article 25 va venir modifier l’article L.1242-8 par ces lignes « […] une convention ou un accord de branche fixe la durée totale du contrat de travail à durée déterminée ».

Ce ne sera qu’à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche que la durée total du contrat de travail à durée déterminée sera donc de dix-huit mois.

Concernant son renouvellement, la même philosophie sera mise en application sous le futur nouvel article L.1243-13 (alinéa 1) ainsi rédigé : « Une convention ou un accord de branche prévoit le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat à durée déterminée ».

Une fois encore, ça ne sera qu’à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche que le contrat de travail à durée déterminée ne sera renouvelable que deux fois.

Quant au délai de carence, pour un salarié donné entre deux contrats à durée déterminée, la convention ou l’accord de branche pourra en prévoir les dispositions applicables. A défaut, la règle du tiers temps (pour un contrat de 14 jours ou plus) et le demi temps (pour un contrat inférieur à 14 jours) sera de mise.

La liberté est donc donnée à la fois pour la durée du C.D.D. mais également pour son renouvellement et son délai de carence !

La Loi Travail de l’an dernier venait fragiliser les relations contractuelles en entreprise, cette refonte du Code du travail va venir confirmer et même amplifier sa pensée.

Le C.D.I. de chantier étendu

Le contrat à durée indéterminée de chantier sera étendu pour les opérations.

Ce type de contrat pourra être conclu « dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 ». Définition assez large du futur article L.1223-8…

La fin du chantier ou de l’opération sera définie dans le contrat et pourra constituer un motif spécifique de rupture du contrat de travail et le licenciement qui en découlera reposera donc sur une cause réelle et sérieuse.

Evidemment, le futur article L.1236-9 nous éclairera sur les modalités d’anticipation : « La convention ou l’accord collectif de branche prévoit également des modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée ».

Tant et si bien, il n’y aura plus uniquement que le B.T.P. qui profitera de ces contrats appelés « C.D.I. de projet », mais nous pensons tant aux métiers du web, des nouvelles technologies ou encore les professions de sécurité et tant d’autres qui seront désormais impactées.

Le salarié retrouvera une certaine précarité, dans la mesure où ce contrat s’apparente à un C.D.D. allongé.

Fusion des instances représentatives & accords

Cela n’était guère une surprise, mais le nouveau Code du travail mettra à profit la seule instance représentative nommée « le Comité social et économique (C.S.E.) » qui englobera donc les délégués du personnel (D.P.), le Comité d’entreprise (C.E.) ainsi que le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.H.S.C.T.).

Seules les entreprises dites « à risque » conserveront un C.H.S.C.T. à part.

Rappelons ici un des changements majeurs du futur nouveau Code du travail qui réside dans le fait que les entreprises de moins de 50 salariés pourront négocier un accord directement avec un délégué du personnel. Ainsi, elles ne seront plus obligées de passer par le mandatement d’un salarié auprès d’un syndicat.

En outre, les entreprises de moins de 20 salariés pourront passer par le (tant annoncé) référendum à l’initiative de l’employeur pour proposer un changement d’organisation, de durée du travail ou tout autre sujet négociable au niveau de l’entreprise. Seul frein, l’employeur devra obtenir les deux tiers des voix pour faire passer sa proposition.

Les dispositions relatives au paragraphe précédent ont été présentées par l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective en son titre 2.

Par ailleurs, cette ordonnance nous informe sur le versant des accords d’entreprises, qu’un salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord (art. L.2254-2). Celui-ci a un mois pour faire connaître son refus. Cependant, « si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord […], ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse. »

Le salarié licencié pour ce motif, pourra néanmoins s’inscrire comme demandeur d’emploi être indemnisé dans les conditions prévus à cet effet… Et bénéficier de 100 heures de formations…

Rupture conventionnelle pour tous ?

Nous apprenons par ailleurs l’instauration de la rupture conventionnelle collective. Concrètement, nous dit le texte, « la négociation dans l’entreprise, pour toutes les tailles d’entreprises, pourra définir un cadre commun de départ strictement volontaire et qui devra, comme pour la rupture conventionnelle individuelle, être homologuée par l’administration. »

Conclusion

France Bonapartiste, à la lecture des différents textes s’inquiète de la fragilité qui va peser, une fois encore, sur les salariés. Bien que nous ne décrions pas l’ensemble des propositions, et avouons volontiers une démarche attentionnée du gouvernement, notamment avec la mise en place des nombreuses réunions techniques avec les syndicats, nous déplorons une fois encore, une appréciation des conséquences en lieu et place des causes. La volonté libérale de notre président de la République aura pris le dessus sur une nécessité de protection des uns avec valorisation des autres.

Des solutions, parfois simples, peuvent être mises en application si l’on daigne s’attaquer au cœur du problème.

Nous ne pensons pas que faire du licenciement, tant économique que sans cause réelle et sérieuse, une priorité apportera la salvation tant attendue. Nous pouvons faire en sorte que les salariés se sentent en sécurité vis-à-vis de leur situation professionnelle et que dans le même temps les employeurs puissent avoir l’audace de leurs projets avec les moyens qui vont avec.

Alors, vous allez nous dire que critiquer c’est bien, donner les fondements de cette critique c’est encore mieux, mais que proposez-vous chez France Bonapartiste ?

Des réformes doivent être mises en œuvre nous sommes bien d’accord sur ce sujet.

La lutte contre le chômage et la reprise de notre activité économique peut se faire via le patriotisme économique et l’innovation sans oublier la baisse des charges. A ce sujet nous avons proposé de mettre en œuvre une politique offensive de relance de la croissance, de la production et des exportations. (https://francebonapartiste.fr/une-politique-offensive-de-la-relance-de-la-croissance-de-la-production-et-des-exportations-1/ + https://francebonapartiste.fr/une-politique-offensive-de-relance-de-la-croissance-de-la-production-et-des-exportations-2/)

Nous ne devons pas oublier par ailleurs d’axer notre travail vers une politique d’accroissement de puissance (https://francebonapartiste.fr/pour-une-politique-daccroissement-de-puissance/)

Quant au dialogue social, il ne pourra pleinement être traité que par une véritable participation (https://francebonapartiste.fr/la-participation/)

A ce sujet, et nous l’avons évoqué à maintes reprises, il faut oser le contrat de participation :

Il faut faire la distinction entre les investisseurs et les rentiers et veiller à ne pas surtaxer le capital qui est nécessaire à l’investissement. Il serait donc judicieux de favoriser les investissements Français dans les entreprises Françaises plutôt que de laisser les investissements étrangers (Chinois, Qataris, etc.) prospérer en France. Mieux vaut des palaces et des clubs de foot rachetés par des millionnaires Français plutôt que par des milliardaires Saoudiens.

C’est pourquoi il convient d’atténuer la frontière entre capital et travail en instaurant une véritable participation bonapartiste qui permettra aux travailleurs de se constituer un véritable capital.

Le Progrès Économique pour tous = le Contrat de Participation. Il est vital de réconcilier les entrepreneurs avec les salariés, qui partagent en réalité les mêmes intérêts.

  • Favoriser le développement des associations d’actionnaires salariés: Promouvoir dans un premier temps les associations d’actionnaires salariés et les doter d’un statut propre dans l’entreprise leur donnant droit à siéger dans les instances de décision avec voix délibérative. Puis ouvrir ces associations aux apports extérieurs pour renforcer leur poids. Grâce à une forme d’épargne populaire.
  • Faciliter l’accès des actionnaires salariés aux prises de décisions en introduisant un mécanisme puissant d’accélération de leur représentation,
  • Répondre à la dimension géopolitique de l’extension des fonds de pension anglo-saxons et à leur rôle néfaste sur l’économie et la politique de l’entreprise.

La France a aujourd’hui plus que jamais les moyens de relancer la participation bonapartiste des salariés aux bénéfices des entreprises. Il conviendra en parallèle de faciliter l’accès des actionnaires salariés aux prises de décisions en introduisant un mécanisme puissant d’accélération de leur représentation.

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Christopher DESTAILLEURS
Délégué Régional Adjoint en Ile de France
Responsable du projet Justice de David Saforcada
Délégué National à la Communication

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Annexe 1

Sociétés de moins de 11 salariés


Sociétés de 11 salariés et plus